Comprendre le Système Bancaire et Financier Suisse : Fonctionnement, Actifs Financiers et Protection des Déposants

Le système bancaire suisse occupe une place centrale dans l’économie nationale. Entre la diversité de ses acteurs et la concentration progressive de ses établissements, il offre des services essentiels tels que le financement, le traitement des paiements et le transfert des risques. Cet article propose une présentation accessible tout en offrant des détails pointus pour les professionnels du droit.


I. Le Secteur Bancaire et Financier en Suisse

1. Une Typologie Diversifiée et une Concentration Croissante

Le paysage bancaire suisse se caractérise par une diversité d’établissements : banques cantonales, grandes banques, etc. Bien que le nombre total de banques ait diminué (passant de 338 en 2004 à 275 en 2014), le secteur demeure diversifié.

2. Les Fonctions Fondamentales des Services Financiers

Les banques et les marchés financiers assurent plusieurs fonctions essentielles :

  • Financement : Les banques commerciales reçoivent les dépôts du public et accordent des crédits, soutenant ainsi le financement des particuliers et des entités publiques.
  • Paiement des transactions : Elles facilitent les échanges économiques en assurant le trafic des paiements.
  • Transfert (ou partage) des risques : À travers des instruments financiers, le secteur permet de mutualiser et de transférer certains risques.

Au cœur de ces services se trouvent deux éléments majeurs : l’argent et les risques. Pour les économistes, la monnaie remplit trois fonctions essentielles :

  • Unité de compte : Permet d’attribuer un prix et une valeur aux biens et services.
  • Moyen de paiement : Sert à régler des transactions.
  • Moyen de thésaurisation : Permet de stocker de la valeur dans le temps.

La définition de la monnaie est par ailleurs intimement liée à la souveraineté nationale. En Suisse, la loi fédérale sur l’unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP) précise notamment que le franc est l’unité monétaire (art. 1 LUMMP) et qu’il se divise en cent centimes (art. 2 LUMMP).

3. Cadre Juridique et Activités des Banques

L’article 84 du Code des Obligations (CO) dispose que le paiement d’une dette en argent doit s’effectuer en moyens de paiement ayant cours légal. Ces moyens (espèces, billets de banque émis par la Banque nationale suisse et avoirs à vue en francs auprès de la BNS) peuvent être imposés au créancier, à l’exception de certains modes de paiement tels que les virements ou les crédits, qui ne sont libératoires qu’avec l’accord du créancier.

Les banques commerciales se distinguent par leurs activités « Main Street » :

  • Réception des dépôts du public.
  • Accorder des crédits.
  • Assurer le trafic des paiements.

En parallèle, le marché des capitaux permet aux émetteurs (entreprises, collectivités, banques, assurances) de lever des fonds directement auprès des investisseurs via l’émission de titres (actions, obligations, instruments financiers dérivés). Ce marché se divise en deux phases :

  • Marché primaire : Les émetteurs lèvent des fonds en émettant de nouveaux titres.
  • Marché secondaire : Les titres déjà émis sont échangés, créant ainsi des liquidités et attribuant un prix en continu aux titres.

Enfin, la plupart des banques suisses cumulent les fonctions de banque commerciale et d’investissement (banque universelle). Tandis que l’activité commerciale est globalement stable, l’activité de banque d’investissement se caractérise par une volatilité accrue due aux prises de risques pour compte propre.


II. Actifs Financiers et Protection des Déposants

1. Transformation d’Échéances et Risque de Bank Run

L’activité bancaire repose sur une transformation d’échéances : des actifs à long terme (par exemple, des crédits de 15 ans) sont financés par des passifs à vue, c’est-à-dire remboursables à tout moment. Ce décalage expose les déposants au risque d’un bank run – une situation où, par perte de confiance, un grand nombre de clients retirent leurs avoirs simultanément, mettant ainsi en péril la solvabilité de la banque.

La surveillance des établissements financiers vise à prévenir de tels scénarios et à protéger les déposants.

2. Mécanismes de Protection en Cas de Faillite

En cas de faillite d’une banque, les créances des déposants sont traitées selon un ordre de priorité fixé par la loi. Par exemple, le compte salaire est une créance contractuelle fixe, remboursable à la demande. Toutefois, il est exposé au risque de contrepartie si la banque rencontre des difficultés financières.

Pour pallier ces risques, plusieurs mécanismes juridiques ont été mis en place :

  • Dépôt privilégié : Selon l’art. 37a de la loi sur les banques (LB), les dépôts libellés au nom du déposant sont classés en deuxième classe (conformément à l’art. 219 al. 4 LP) jusqu’à concurrence de 100’000 CHF.
  • Remboursement immédiat : L’art. 37b LB prévoit un remboursement immédiat hors collocation à partir des actifs liquides disponibles.
  • Garantie des dépôts : L’art. 37h LB institue un mécanisme par lequel l’ensemble des banques contribue pour garantir le remboursement anticipé des dépôts, bien que ce système soit plafonné (actuellement à hauteur de 6 milliards CHF).

3. Cas Pratique : Le Portefeuille de Céline

Le cas pratique suivant illustre comment différents actifs financiers sont traités juridiquement en cas de faillite d’une banque (ici, la Banque BonPlan SA).

  • Compte salaire
    • Nature : Compte de dépôt à vue servant aux transactions courantes.
    • Droits : Constitue une créance contractuelle fixe remboursable à la demande.
    • Protection : Dépôt privilégié bénéficiant du remboursement immédiat (art. 37a et 37b LB) et du mécanisme de garantie des dépôts.
  • Compte épargne en EUR
    • Nature : Compte monétaire rémunéré, dont les retraits sont soumis à des préavis.
    • Particularités : Libellé en euros, impliquant des risques de change et nécessitant une conversion en CHF lors du retrait.
    • Protection : Bénéficie des mêmes mécanismes de dépôt privilégié et de garantie des dépôts que le compte salaire.
  • Compte à terme
    • Nature : Créance figée sur un terme déterminé (exemple : rémunération à 0,5% le 15 décembre 2016).
    • Protection : Rentré dans la catégorie des dépôts privilégiés, dans la limite des 100’000 CHF.
  • Obligation de la Confédération (2% 10-21)
    • Nature : Titre de créance émis par la Confédération suisse, générant des versements d’intérêts annuels jusqu’en 2021.
    • Particularités : La valeur de l’obligation varie selon les taux d’intérêt du marché, mais l’émetteur est réputé à très faible risque.
    • Protection : En cas de faillite, le titre est distrait en faveur de Céline grâce aux dispositions de la Loi sur les Titres Intermédiés (LTI).
  • Action Implenia N
    • Nature : Action nominative d’Implenia, donnant droit de vote, à un dividende et à la participation aux décisions de l’assemblée générale.
    • Protection : Déposée auprès de la banque sous forme de titre intermédié, elle est également distrait en cas de faillite selon la LTI.
  • Fonds de placement (Mirabaud Eg Sw Small and Mid A CHF)
    • Nature : Placement collectif investi dans des actions de petites et moyennes capitalisations, avec une valeur nette d’inventaire (VNI) calculée quotidiennement.
    • Protection : Le traitement juridique relève des dispositions de la LTI, protégeant les droits des investisseurs au prorata de leurs apports.
  • Pièces d’or dans un coffre-fort
    • Nature : Biens physiques en or détenus en propre par le déposant.
    • Protection : La banque n’est ici qu’une bailleresse fournissant un coffre, le déposant conserve donc la pleine propriété de ses pièces.
  • Compte numérique
    • Nature : Compte nominal bénéficiant de mesures opérationnelles de protection (souvent pour des raisons de discrétion).
    • Particularités : Bien que juridiquement identique à un compte classique, le cumul des créances peut excéder la limite de 100’000 CHF, plaçant l’excédent en troisième classe lors de la liquidation.

4. Clarification de Termes Techniques

Pour faciliter la compréhension de ces notions :

  • Créance : Droit que possède un déposant de réclamer le remboursement de la somme qu’il a versée à la banque.
  • Dépôt privilégié : Créance bénéficiant d’un rang de remboursement prioritaire en cas de faillite, dans la limite d’un montant fixé par la loi (ici 100’000 CHF par déposant).
  • Titre intermédié : Instrument financier dématérialisé dont la propriété est garantie par des dispositions légales (notamment la LTI) en cas de faillite du dépositaire.
  • Liquidation : Procédure par laquelle les actifs d’une banque en faillite sont réalisés et répartis entre les créanciers selon un ordre de priorité légal.