Dans le cadre du bail, il arrive qu’une tierce personne intervienne, modifiant ainsi les rapports juridiques initialement établis entre bailleur et locataire. Quatre hypothèses principales permettent cette intervention : le changement de propriétaire, la sous-location, le transfert du bail commercial et la restitution anticipée de la chose louée.
1. Changement de Propriétaire
Lorsqu’un bailleur vend l’immeuble, le transfert de propriété entraîne automatiquement celui des baux en cours, selon l’adage « la vente ne rompt pas le bail ». Pour qu’un changement de propriétaire intervienne, il faut une aliénation, c’est-à-dire : vente, donation, échange, succession, etc. Dans ce cas, le bail passe à l’acquéreur dès le transfert de la propriété (inscription au Registre foncier pour les choses immobilières ou prise de possession pour les choses mobilières).
- Impact sur le contrat : Le contrat de bail demeure inchangé en ce qui concerne sa durée, son montant et ses conditions.
- Résiliation anticipée par le nouveau propriétaire : L’article 261 al. 2 CO autorise le nouveau bailleur à résilier le bail de manière anticipée, à condition de respecter le terme légal (mais pas les délais ou conditions contractuels) et de faire valoir un besoin urgent. Ce besoin doit être :
- Sérieux (pas seulement un prétexte),
- Concret (besoin réel d’utiliser la chose),
- Urgent (impossibilité d’attendre),
- Actuel (non pas un besoin futur, par exemple pour un enfant à venir).
- Responsabilité du précédent bailleur : Si le nouveau propriétaire résilie le contrat plus tôt que prévu, l’ancien bailleur est responsable des dommages causés au locataire (article 261 al. 3 CO).
2. Sous-location
La sous-location consiste en la conclusion d’un second contrat de bail, par lequel le locataire principal cède une partie ou la totalité de l’usage de la chose louée à un sous-locataire, moyennant un sous-loyer. Ce mécanisme crée deux contrats distincts :
- Contrat de bail principal entre le bailleur et le locataire,
- Contrat de sous-location entre le locataire principal et le sous-locataire.
Points Essentiels de la Sous-location
- Indépendance des contrats : La résiliation du bail principal n’entraîne pas automatiquement la résiliation du contrat de sous-location. Si le bailleur résilie le bail principal, le locataire principal doit immédiatement mettre fin au contrat avec le sous-locataire, sous peine de voir ce dernier réclamer des dommages-intérêts.
- Transmission des droits : Le locataire principal ne peut transmettre au sous-locataire que les droits qu’il a lui-même reçus du bailleur.
- Nature provisoire : La sous-location doit répondre à une volonté temporaire du locataire principal de ne pas utiliser la chose. Une absence de volonté de réutilisation future équivaudrait à une substitution déguisée, interdite par la loi.
- Refus du bailleur : Le bailleur ne peut refuser la sous-location que pour les motifs prévus à l’article 262 al. 2 CO, à savoir :
- (lit. a) : Le locataire ne communique pas les conditions de la sous-location (identité, durée, montant du loyer, locaux concernés).
- (lit. b) : Les conditions proposées sont abusives par rapport à celles du bail principal (par exemple, un sous-loyer supérieur à celui payé au bailleur, sauf si des prestations supplémentaires sont fournies).
- (lit. c) : La sous-location présente des inconvénients majeurs pour le bailleur (protection générale du bail principal).
En cas de sous-location non autorisée ou en violation du refus légitime du bailleur, ce dernier peut résilier le bail principal de manière ordinaire ou anticipée pour manquement au devoir de diligence (article 257f al. 3 CO).
- Relations entre le sous-locataire et le bailleur :
En principe, il n’existe pas de lien juridique direct entre le bailleur et le sous-locataire. Toutefois, quatre exceptions permettent au bailleur d’intervenir directement (articles 262 al. 3 CO, 273b al. 2 CO et 268 al. 2 CO). Le locataire principal demeure également responsable envers le bailleur du dommage causé par le sous-locataire.
3. Transfert du Bail Commercial
Le transfert du bail commercial, régi par l’article 263 CO, offre au locataire la possibilité de céder ses droits à un tiers. Cela permet au locataire de proposer un nouveau locataire déterminé et ainsi de se libérer de ses obligations contractuelles, facilitant la cessation du bail commercial.
4. Restitution Anticipée de la Chose Louée
La restitution anticipée, prévue par l’article 264 CO, concerne la situation où le locataire souhaite quitter les lieux sans respecter les délais prévus dans le contrat ou par la loi. Pour être libéré de ses obligations, le locataire doit présenter un remplaçant solvable. Cinq conditions doivent être respectées :
- Manifestation de volonté : Le locataire informe le bailleur de son intention de restituer l’intégralité des locaux de manière définitive. L’avis doit mentionner la date de restitution et respecter un préavis d’un mois (selon les indications du CCR).
- Présentation d’un remplaçant : Le locataire doit soumettre plusieurs candidats (en principe trois) afin de pallier d’éventuels désistements ou problèmes d’insolvabilité.
- Solvabilité : Le locataire de remplacement doit être en mesure de payer le loyer et les frais accessoires de manière ponctuelle.
- Acceptabilité objective : Le remplaçant ne doit pas pouvoir être raisonnablement refusé par un bailleur correct. Le refus ne peut se baser sur des critères discriminatoires (origine ethnique, orientation sexuelle, etc.), bien qu’un refus puisse être justifié si, par exemple, le candidat est une famille nombreuse pour un local prévu pour un étudiant.
- Reprise du bail aux mêmes conditions : Le nouveau bail doit reprendre les mêmes termes que le contrat initial (montant du loyer, destination des locaux, durée, délais de résiliation, etc.). Le bailleur ne peut imposer de nouvelles conditions défavorables à l’ancien locataire. Si de telles modifications sont souhaitées, un nouveau contrat de bail doit être conclu.
- Libération du locataire sortant :
Si les cinq conditions sont remplies, l’ancien locataire est libéré de ses obligations, sans être solidairement responsable avec le nouveau locataire.- En cas de refus injustifié par le bailleur d’un candidat acceptable, le locataire sortant est également libéré (cf. 9 al. 3 CCR).
- Si le refus est justifié (par exemple, candidat insolvable), le locataire doit continuer à payer le loyer jusqu’à la fin du bail ou jusqu’au prochain terme de congé. L’article 264 al. 3 CO prévoit alors une réduction du préjudice, avec déduction des économies réalisées par le bailleur (frais épargnés, profits tirés d’un autre usage de la chose).
Conclusion
L’intervention d’une tierce personne dans le bail illustre la flexibilité du régime locatif, tout en préservant l’équilibre entre les droits et obligations des parties. Que ce soit par un changement de propriétaire, une sous-location, le transfert d’un bail commercial ou la restitution anticipée de la chose louée, chaque situation est régie par des règles précises qui garantissent la continuité du contrat ou la protection des intérêts de chacun. Ces mécanismes permettent d’adapter la relation locative aux évolutions de la propriété et aux besoins des parties, tout en assurant une transition harmonieuse et sécurisée juridiquement.