La Continuation de la Poursuite dans l’Exécution Forcée en Suisse

Après avoir franchi avec succès les étapes de la procédure préalable, le créancier passe à la phase de continuation de la poursuite. Cette étape, régie notamment par l’article 88 LP, est marquée par des formalités strictes et des délais précis, indispensables à la poursuite efficace de l’exécution forcée.

La Réquisition de Continuation de Poursuite (art. 88 LP)

Une fois que le créancier a surmonté les obstacles de la procédure préalable – c’est-à-dire, l’absence d’opposition ou l’obtention de la mainlevée – il doit remplir un formulaire spécifique, la réquisition de continuation de poursuite. Ce document atteste formellement que :

  • Aucune opposition n’est intervenue, ou
  • L’opposition a été dûment levée.

Cette formalité permet de constater que la phase préalable est définitivement clôturée et ouvre la voie à la suite de la poursuite.

La Gestion des Délais

Le respect des délais constitue l’un des aspects les plus cruciaux de la procédure. On peut relever plusieurs échéances :

  • Délai d’attente initial : Le créancier doit attendre 20 jours à compter de la notification du commandement de payer avant d’agir.
  • Péremption du commandement de payer : Ce document se périme un an après sa notification. Toutefois, ce délai d’un an est suspendu durant toute la période allant de la demande de mainlevée jusqu’au jugement définitif.
  • Délai résiduel pour la poursuite : Si, par exemple, 11 mois se sont écoulés entre la notification du commandement et la demande de mainlevée, il ne reste qu’un mois pour poursuivre la procédure.

La maîtrise de ces délais est essentielle pour éviter la perte de droits, notamment en cas de péremption de l’acte initial.

La Décision de l’Office des Poursuites

L’office des poursuites joue ici un rôle déterminant puisqu’il doit décider de la voie d’exécution à adopter. Deux options se présentent :

  • La voie de saisie : Lorsque le débiteur n’est pas inscrit au registre du commerce, l’office se charge directement de la saisie de ses biens.
  • La voie de faillite : Si le débiteur est inscrit au registre du commerce, la poursuite se fait par voie de faillite. Cette distinction est cruciale, car même certaines personnes physiques (comme des professionnels – boulangers, avocats, etc.) peuvent être inscrites dès lors que leur chiffre d’affaires dépasse 100’000 CHF.

Le choix entre faillite et saisie dépend donc essentiellement de la situation du débiteur, telle qu’appréciée par l’office, qui s’appuie notamment sur l’article 39 LP.

Les Cas de Faillite

La procédure de faillite s’applique dans plusieurs situations :

  • Pour les personnes morales : Que ce soit en vertu du code des obligations ou du code civil pour les entités ayant une activité commerciale.
  • Pour certaines personnes physiques : Lorsqu’elles exercent une activité individuelle et que leur chiffre d’affaires atteint 100’000 CHF.

Dans le cadre de la faillite, la totalité du patrimoine du débiteur est concernée. Cela incite parfois ces derniers à envisager la constitution d’une société afin de séparer leur patrimoine professionnel de leur patrimoine personnel.

Exceptions :
Certains types de créances ne peuvent être poursuivis par la faillite, notamment :

  • Les créances garanties par un gage (art. 41 LP) – ici, seule la réalisation du gage par saisie est possible.
  • Les créances de droit public et de droit de la famille (art. 43 LP) qui obéissent à des règles spécifiques.

Dans ces cas, la poursuite se poursuit par voie de saisie.

Le Caractère Résiduel de la Saisie (art. 42 LP)

Lorsque la faillite n’est pas applicable, la poursuite se réalise par voie de saisie. On parle alors de saisie à caractère résiduel, car elle intervient pour récupérer ce qui n’a pas été saisi dans le cadre d’une faillite.

Il arrive parfois que l’office des poursuites se trompe en prononçant une faillite alors que la situation aurait dû relever d’une saisie. Dans ce cas, si l’une des parties n’est pas d’accord avec la décision, une plainte peut être déposée auprès de l’autorité cantonale de surveillance. Cette plainte doit être formulée dans un délai de 10 jours à partir de la commination de faillite. Si la plainte est jugée fondée, la faillite pourra être annulée et la poursuite poursuivie par voie de saisie.


Conclusion

La phase de continuation de la poursuite illustre la rigueur et la technicité du système d’exécution forcée en Suisse. Entre la formalisation de la réquisition de continuation, la gestion minutieuse des délais et le choix déterminant entre saisie et faillite, chaque étape vise à garantir une procédure équilibrée entre la protection des droits du créancier et ceux du débiteur.