Exécution Forcée – Articles 110ss LP et suivants
Dans le cadre de l’exécution forcée, la saisie des biens du débiteur vise en principe à désintéresser le créancier ayant initié la procédure. Toutefois, le système prévoit des exceptions permettant à d’autres créanciers de participer à une saisie déjà engagée et de bénéficier, quant à eux, du produit de sa réalisation. Ce mécanisme, à la fois complexe et exceptionnel, soulève des questions tant pratiques que juridiques.
Notion de Participation
La participation consiste en la possibilité pour des créanciers tiers de bénéficier de la saisie engagée par un premier créancier. Or, le régime de l’exécution spéciale a pour objectif de désintéresser exclusivement le créancier poursuivant. En principe, les biens saisis sont affectés au compte du créancier qui les a saisis, et tout créancier ultérieur ne pourra prétendre qu’au solde restant. La participation constitue ainsi une exception permettant, dans des cas limités, à plusieurs créanciers de s’unir pour faire valoir leurs droits.
Les Cas de Participation
Le droit distingue plusieurs formes de participation :
Participation Ordinaire (art. 110 LP)
La participation ordinaire intervient lorsqu’un second créancier (C2) souhaite rejoindre la procédure initiée par un premier créancier (C1). Pour ce faire, C2 doit être en mesure de requérir la continuation de la poursuite dans les 30 jours suivant la saisie opérée par C1. Si cette condition est remplie, il y aura alors une saisie commune, et le produit de la réalisation des biens sera réparti entre C1 et C2. Cette solution permet à C2 de bénéficier de l’actif déjà saisi, sans que le débiteur ne puisse opposer ultérieurement l’intégralité de la créance initiale.
Participation Privilégiée (art. 111 LP)
Plus rare, la participation privilégiée concerne des créanciers spécifiques, souvent liés au droit de la famille. Par exemple, le conjoint, le partenaire enregistré, les enfants ou les pupilles du débiteur peuvent, dans un délai de 40 jours à compter du procès-verbal de saisie, demander à participer à la saisie initiée par un autre créancier. Ce mécanisme particulier comporte une sorte de « mini-opposition » : le débiteur est informé de la participation et dispose alors d’un délai de 10 jours pour formuler son opposition. Cette procédure vise à protéger des créanciers jugés juridiquement prioritaires.
La Saisie Complémentaire (art. 145 LP al.3)
Lorsque la première saisie ne permet pas de couvrir intégralement la dette, l’office des poursuites peut procéder à une saisie complémentaire. Ici, il arrive qu’un créancier (C1) demande une saisie supplémentaire pour désintéresser sa créance, alors même que certains biens ont pu être saisis par un autre créancier (C2) lors d’une saisie antérieure. Pour protéger C1, la loi permet que la demande de saisie complémentaire soit formulée dans les 30 jours suivant le procès-verbal de la seconde saisie, créant ainsi une saisie commune où le produit sera réparti entre C1 et C2.
La Participation Légale en Cas de Séquestre (art. 281 LP)
En cas de séquestre, lorsqu’un créancier (C1) a obtenu le séquestre d’un bien, un autre créancier (C2) peut, indépendamment des délais habituels, demander à se joindre à la saisie du bien séquestré. Tant que le séquestre n’est pas validé, la participation de C2 reste provisoire. Ce n’est qu’après validation que la participation devient définitive, et les biens seront alors réalisés conjointement au profit des deux créanciers.
Les Conséquences de la Participation
L’objectif ultime de la saisie demeure la réalisation – c’est-à-dire la vente – des actifs saisis, afin de produire un produit de réalisation. Lorsque plusieurs créanciers participent à une saisie, ce produit est réparti entre eux. Deux situations se présentent :
- Paiement intégral : Le produit de la vente suffit à couvrir intégralement les créances de tous les créanciers impliqués.
- Paiement partiel : Le produit est insuffisant, et la répartition se fait alors au prorata des créances respectives, selon les règles analogues à celles applicables en matière de faillite (articles 146 à 148 LP). On établit un état de collocation et attribue à chaque créancier un dividende correspondant à sa part, en tenant compte, le cas échéant, des privilèges (par exemple, les salariés figurant à l’article 219 LP).
La Saisie de la Plus-Value
(Art. 110 al.3 et 117 al.2 LP)
Dans certaines situations, il peut s’avérer impossible pour un créancier de participer directement à la saisie des biens déjà affectés à un autre créancier. Dans ce cas, le créancier peut recourir à la saisie de la plus-value. Le concept est le suivant : lorsque la participation directe n’est plus possible – par exemple, parce que le débiteur est intervenu trop tard ou parce que l’actif saisi (une villa, par exemple) a généré une valeur excédentaire après désintéressement du premier créancier – le second créancier pourra saisir cette plus-value. Autrement dit, il ne s’agit pas de saisir directement un montant fixe, mais de récupérer la part de valeur additionnelle créée lors de la vente du bien.
Ce mécanisme permet ainsi de distinguer deux opérations distinctes :
- La participation, qui concerne la répartition commune du produit de la réalisation des biens saisis.
- La saisie de la plus-value, qui intervient lorsqu’un excédent subsiste et qu’un créancier, ne pouvant pas participer initialement, peut alors prétendre à ce surplus.
Conclusion
La participation dans la procédure de saisie constitue un mécanisme délicat qui permet, dans des cas exceptionnels, à plusieurs créanciers de s’unir pour faire valoir leurs droits sur un même actif saisi. Que ce soit par la participation ordinaire, privilégiée ou par des mesures complémentaires telles que la saisie de la plus-value, le système vise à concilier l’exigence de désintéressement du créancier poursuivant et la réalité économique du débiteur. Ce dispositif, qui s’inspire en partie des règles de la faillite, soulève des questions d’équité et de protection des parties – tant pour le débiteur que pour les créanciers – et invite à une réflexion continue sur l’adaptation des mécanismes de l’exécution forcée dans un contexte en évolution.