La possession est un concept clé du droit suisse, souvent méconnu du grand public, mais essentiel pour comprendre les rapports juridiques liés aux biens. Contrairement à la propriété, qui repose sur un droit reconnu par la loi, la possession se définit par une maîtrise effective d’un bien, indépendamment de toute légitimité juridique. Cet article décrypte les règles encadrant la possession, ses implications pratiques et les enjeux éthiques qu’elle soulève.
Qu’est-ce que la possession ?
Définition légale (art. 919 CC)
La possession est un pouvoir de fait sur un bien matériel (chose, animal) ou sur certains droits (comme une servitude). Elle se caractérise par deux éléments cumulatifs :
- La maîtrise effective : Un contrôle concret sur le bien (exemple : tenir un objet en main, garer sa voiture dans un parking privé).
- La volonté de posséder : L’intention d’exercer ce contrôle, même si elle est « lâche » (exemple : recevoir du courrier dans sa boîte aux lettres sans en connaître le contenu).
La possession est donc une situation de fait, distincte de la propriété. Un voleur peut ainsi posséder un objet volé sans en être propriétaire.
« La possession est une amitié entre l’homme et les choses » – Jean-Paul Sartre
Les éléments constitutifs de la possession
1. La maîtrise de fait
Elle peut être :
- Physique : Contact direct avec le bien (exemple : porter une montre).
- Intellectualisée : Contrôle indirect via un tiers (exemple : un propriétaire loue son appartement à un locataire, qui en a la maîtrise physique).
Cette maîtrise doit être continue et non passagère. Par exemple, un client qui manipule un article en magasin ne devient pas possesseur, car son contrôle est temporaire (art. 921 CC).
2. La volonté de posséder
Elle ne nécessite pas de capacité juridique, mais exige un minimum de discernement. Une personne sous curatelle peut ainsi posséder un bien, mais pas un enfant en bas âge.
Les exceptions : la possession « fictive »
Le Code civil suisse (CC) prévoit trois cas où la possession est reconnue malgré l’absence d’un élément constitutif :
- Art. 720 al. 3 CC : Le propriétaire d’une maison devient possesseur d’un objet trouvé sur son lieu, même sans le savoir.
- Art. 921 CC : La possession n’est pas perdue en cas d’interruption passagère (exemple : vol temporaire).
- Art. 560 al. 2 CC : Les héritiers acquièrent automatiquement la possession des biens du défunt.
Les types de possession
1. Possession originaire vs dérivée
- Originaire : Possession « à titre de propriétaire » (exemple : un locataire qui sous-loue un bien).
- Dérivée : Droit limité découlant d’un tiers (exemple : l’usufruitier d’un bien).
2. Possession immédiate vs médiate
- Immédiate : Contrôle direct (exemple : un locataire dans un appartement).
- Médiate : Contrôle indirect via un intermédiaire (exemple : le propriétaire de l’appartement).
3. Possession légitime vs illégitime
- Légitime : Fondée sur un droit valable (exemple : propriétaire).
- Illégitime : Sans droit reconnu (exemple : squatteur).
Acquisition et perte de la possession
Acquisition
- Originaire : Sans lien avec un possesseur antérieur (exemple : trouver un objet abandonné).
- Dérivée : Transfert volontaire (exemple : vente) ou délégation (exemple : contrat de location).
Perte
- Volontaire : Abandon ou transfert.
- Involontaire : Vol ou destruction du bien.
Protection juridique de la possession
1. Droit de défense (art. 926 CC)
Le possesseur peut repousser une usurpation par la force, sous réserve de proportionnalité. Exemple : Expulser un intrus de son domicile.
2. Actions possessoires
- Réintégrande : Récupérer un bien usurpé (art. 927 CC).
- Action en cessation de trouble : Faire cesser une entrave à la possession (art. 928 CC).
Ces actions doivent être intentées dans un délai d’un an après l’usurpation (art. 929 CC).