Exécution Forcée – Articles 106 à 109 LP
La revendication intervient lorsqu’un tiers, détenant un droit sur un bien saisi dans le cadre de l’exécution forcée, souhaite faire valoir ce droit. Ce mécanisme permet au tiers – qu’il s’agisse d’un titulaire d’un droit réel (plein ou limité), d’un créancier ou même, dans des cas exceptionnels, d’un détenteur d’un droit personnel annoté – de faire opposition à la saisie. Toutefois, la procédure est complexe et soulève en particulier la question de la répartition du contentieux et de l’initiative de l’action.
Notion de Revendication
La revendication, telle que prévue aux articles 106 à 109 LP, désigne la situation dans laquelle un tiers invoque un droit sur le bien saisi. Ce droit peut revêtir différentes formes :
- Un droit réel : par exemple, le propriétaire revendique la propriété du bien et demande sa restitution.
- Un droit réel limité : souvent rencontré en matière immobilière.
- La titularité d’une créance : le tiers conteste que le débiteur soit réellement titulaire de la créance faisant l’objet de la saisie.
- Un droit personnel : bien que, de principe, les droits personnels ne soient pas opposables aux tiers, ils peuvent l’être dans certaines exceptions (par exemple, lorsqu’ils sont annotés au Registre Foncier).
Le principal enjeu de la revendication consiste à déterminer qui, du tiers ou du créancier poursuivant, doit agir pour faire valoir ou opposer ce droit.
Les Modalités de la Procédure
La revendication soulève deux questions essentielles :
- Qui doit agir ?
Deux procédures sont envisagées en fonction de la nature du bien et des circonstances :- Article 107 LP : lorsque le tiers doit intenter l’action lui-même. Cela est souvent le cas pour les biens mobiliers en situation d’exclusivité du débiteur.
- Article 108 LP : lorsque l’action doit être engagée par le débiteur ou le créancier contre le tiers, notamment lorsque le bien n’est pas en possession exclusive du débiteur ou, pour les immeubles, lorsque le tiers est inscrit au Registre Foncier.
- Quel est le critère déterminant ?
- Pour les biens mobiliers : la situation se détermine selon que le bien est sous la possession exclusive du débiteur (article 107 LP) ou non (article 108 LP).
- Pour les biens immobiliers : le critère repose sur l’inscription au Registre Foncier. Si le tiers n’est pas inscrit, c’est l’article 107 LP qui s’applique ; s’il l’est, l’action incombe au débiteur ou au créancier (article 108 LP).
- Pour les créances : la procédure est déterminée selon le critère de vraisemblance quant à la titularité de la créance. Si le tiers semble légitimé à être titulaire de la créance, c’est au débiteur ou au créancier d’agir (article 108 LP) ; sinon, le tiers pourra agir directement (article 107 LP).
Le Schéma de la Revendication (Schéma 10)
La procédure débute par la déclaration de revendication (art. 106 LP) qui, contrairement à une demande contentieuse, constitue une simple notification adressée à l’office des poursuites. Par cette déclaration, le tiers indique qu’il est propriétaire du bien ou qu’il détient un droit sur celui-ci.
À réception de cette déclaration, l’office des poursuites vérifie sa recevabilité. La revendication peut être déclarée irrecevable en cas de non-respect des délais (par exemple, dans le domaine immobilier, un délai de 20 jours à compter de la publication prévu par l’art. 140 LP) ou en cas d’abus de droit. Le Tribunal Fédéral insiste sur l’obligation pour le tiers de revendiquer dans des délais raisonnables dès qu’il est informé que le bien est saisi. Dans le cas contraire, le tiers risque de perdre son droit sur le bien.
Si la revendication est jugée recevable (art. 106 al.2 LP), le tiers peut, jusqu’à la distribution du produit de réalisation, revendiquer le bien. À ce stade, il faut faire un choix entre deux voies procédurales – l’une relevant de l’action directe du tiers (art. 107 LP) et l’autre de l’action exercée par le débiteur ou le créancier contre le tiers (art. 108 LP) – selon que le contentieux sera à la charge du tiers ou non.
En pratique, si le tiers n’intente pas l’action dans le délai imparti (généralement 20 jours), il renonce à son droit, et la revendication est ainsi écartée. La décision de vente du bien est alors suspendue jusqu’à ce que le contentieux soit tranché, ce qui peut entraîner un retard important dans la procédure de réalisation.
Enjeux et Conséquences
L’enjeu principal de la revendication réside dans la répartition du contentieux et la protection des droits en présence. En effet :
- Perte du droit revendiqué : Si le tiers tarde à agir, il risque de perdre son droit sur le bien, ce qui contredit l’idée que les droits réels soient imprescriptibles.
- Suspension de la vente : La contestation par revendication entraîne la suspension de la vente du bien, retardant ainsi l’exécution forcée et la répartition du produit de réalisation.
- Complexité procédurale : Le choix entre les articles 107 et 108 LP et la nécessité d’examiner des critères spécifiques (possession exclusive, inscription au Registre Foncier, vraisemblance de titularité) rendent la procédure particulièrement technique.
Ces dispositions visent à préserver l’équilibre entre les droits du créancier poursuivant, ceux du débiteur, et les droits du tiers revendiquant le bien. Elles illustrent la volonté du législateur de concilier efficacité de l’exécution forcée et respect des droits de propriété.
Conclusion
La revendication, telle que régie par les articles 106 à 109 LP, constitue un mécanisme essentiel pour la protection des droits des tiers sur les biens saisis. En permettant à ces derniers de faire valoir leurs droits, le système offre une garantie de sécurité juridique, tout en imposant des règles strictes quant aux délais et à la procédure à suivre. Ce dispositif, en équilibrant les intérêts du créancier, du débiteur et du tiers, souligne la complexité de l’exécution forcée et invite à une vigilance constante pour préserver l’équité et la bonne foi dans la réalisation des saisies.