Le Bail à Loyer : Cadre Juridique et Approches Distinctes

Dans cet article, nous explorons le cadre juridique du bail à loyer tel que défini par la législation suisse. Nous présenterons de manière accessible et détaillée la notion de bail à loyer, ses sources, ses distinctions ainsi que les contrats qu’il ne recouvre pas. Ce panorama s’adresse à la fois aux novices souhaitant comprendre les bases du sujet et aux professionnels du droit en quête d’un rappel structuré.


1. Présentation Générale et Sources

Le droit du bail à loyer est régi par les articles 253 à 273c du Code des Obligations (CO). Ce dispositif se subdivise en trois parties principales :

  • Dispositions générales applicables à tous les baux (articles 253 à 268b CO)
  • Protection contre les loyers abusifs (articles 269 à 270e CO)
  • Protection contre les congés (articles 271 à 273c CO)

Les règles du CO sont complétées par plusieurs autres textes et instruments juridiques, notamment :

  • la Constitution fédérale (article 109 Cst) : protection des locataires contre les abus des bailleurs
  • le Code civil (articles 169, 121, 421, 919 et 959 CC)
  • l’Ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme (OBLF)
  • l’Ordonnance sur le taux hypothécaire
  • le droit cantonal : les cantons peuvent légiférer en matière de droit du bail, à condition de bénéficier d’une habilitation expresse réservée par le droit fédéral
  • les contrats-cadres de baux à loyer : convention par laquelle des associations de bailleurs et de locataires établissent en commun des dispositions-types applicables à la conclusion, à l’objet et à l’expiration des baux à loyer (cf. LCBD)
  • l’usage local : pratique constante et indiscutée en vigueur dans un canton ou une région, à laquelle renvoie le CO à cinq reprises (articles 257c, 259, 266b, 266c et 266d CO)

2. La Notion du Bail à Loyer

Le bail à loyer est défini comme le contrat par lequel le bailleur s’oblige à céder l’usage d’une chose au locataire, moyennant un loyer (article 253 CO). Ce contrat est à titre onéreux, générateur d’obligations, synallagmatique (engageant réciproquement les parties) et de durée. En d’autres termes, il attribue au locataire des droits personnels sur une chose pour une période déterminée.

Les Parties au Contrat

  • Le bailleur
    Il peut s’agir d’une personne physique ou morale, qui n’est pas nécessairement propriétaire du bien loué (exemple : dans le cadre d’une sous-location ou d’un droit réel limité). Les règles ordinaires relatives à la capacité civile s’appliquent, avec une attention particulière concernant la capacité du conjoint en matière de logement de famille (articles 169 al. 1 CC et 14 LPart). Plusieurs personnes peuvent être co-bailleurs, notamment lorsque les membres d’une hoirie louent leur bien en commun.
  • Le locataire
    Il peut également être une personne physique ou morale et doit disposer de la capacité civile. À l’exception des cas particuliers (comme celui du tiers qui utilise la chose ou du conjoint non locataire), seule la personne ayant conclu le contrat jouit du statut de locataire.

Les Éléments Essentiels

  • La cession de l’usage d’une chose
    Le contrat de bail à loyer engage le bailleur à permettre au locataire d’utiliser une chose pendant une durée déterminée.
  • Le loyer
    Constituant la rémunération due pour cette cession, le loyer est un élément essentiel du contrat (articles 253 et 257 CO). Il prend généralement la forme d’une somme d’argent, payable à la fin de chaque mois. Le montant du loyer peut être fixé de manière déterminée ou déterminable. En l’absence d’accord sur ce point essentiel, le contrat n’est pas conclu, et le tribunal ne peut pas compléter ce point. Toutefois, le tribunal peut fixer une indemnité d’occupation pour la période durant laquelle les locaux ont été occupés.

3. Distinctions dans le Domaine du Bail

Le droit du bail distingue principalement deux types de contrats :

A. Bail Mobilier

Le bail mobilier porte sur une chose mobilière au sens de l’article 713 du Code civil. Il peut concerner divers objets tels que des voitures, des livres, du matériel informatique, ou encore du matériel de sport.

B. Bail Immobilier

Le bail immobilier a pour objet une chose immobilière au sens de l’article 655 du Code civil. Il recouvre essentiellement deux catégories de locaux :

  • Bail d’habitation
    Concerne des locaux loués de manière durable pour y habiter (chambres isolées, appartements, maisons, villas, meublés ou non). Ces locaux bénéficient d’une protection contre les loyers et les congés abusifs (articles 269 ss CO), sauf quelques exceptions (notamment articles 253a al. 2 et 253b al. 2 CO).
  • Bail commercial
    Destiné à des locaux utilisés pour l’exploitation d’une entreprise, d’une industrie ou pour l’exercice d’une activité lucrative. Le local commercial est défini comme un volume construit (un bâtiment entier ou une partie de bâtiment, tel qu’un magasin, un atelier ou un court de tennis), fixé durablement au sol. Bien que le droit suisse du bail commercial suive les règles générales (notamment en matière de protection contre les abus de loyer et les congés), certaines dispositions spécifiques ne s’appliquent qu’à ce type de local (articles 257e al. 2, 263, 266d, 268-268b CO et 272b al. 1 CO).

4. Délimitations : Contrats Non Inclus dans le Bail à Loyer

Il est essentiel de distinguer le bail à loyer des autres types de contrats qui impliquent la cession de l’usage d’une chose ou des prestations annexes :

  • Bail à ferme (articles 275 à 304 CO)
    Le bail à ferme est le contrat par lequel le bailleur s’oblige à céder au fermier, moyennant un fermage, l’usage d’un bien ou d’un droit productif, tout en lui permettant de percevoir les fruits ou produits issus de ce bien. Il se distingue par l’objet du contrat, qui est un bien productif.
  • Prêt à usage
    Il s’agit d’une cession de l’usage d’une chose à titre gratuit, sans échange financier.
  • Dépôt
    Ce contrat engage le dépositaire à recevoir une chose mobilière confiée par le déposant et à la conserver en lieu sûr, sans pour autant obtenir un droit d’usage sur la chose.
  • Vente
    Dans la vente, le vendeur s’engage à transférer la propriété d’une chose. Il existe néanmoins des situations où la vente et le bail se combinent (exemples : location-vente, crédit-bail, vente par acomptes).
  • Contrats mixtes
    Certains contrats comportent des aspects du bail en combinaison avec d’autres types d’accords, tels que :
    • Contrat de conciergerie : allie des prestations issues du contrat individuel de travail et la cession de l’usage d’un logement pour le concierge. La fin du contrat est déterminée par la prestation la plus prépondérante (comparaison entre salaire et loyer).
    • Location d’une station-service : combine des éléments de bail, de vente et de mandat.
    • Contrat d’hôtellerie : intègre des composantes de bail, de mandat et de vente.
  • Transactions couplées
    Ce sont des accords qui n’ont pas de rapport direct avec l’usage de la chose louée et que le bailleur ou un tiers impose au locataire (par exemple, l’obligation d’acheter les meubles se trouvant dans le logement loué). Ces accords, n’étant pas des contrats de bail à proprement parler, ne relèvent pas des articles 253 ss CO.