Dans le cadre du bail à loyer, le bailleur doit respecter un ensemble d’obligations précises destinées à garantir que le locataire puisse jouir du bien dans des conditions conformes aux engagements pris. Cet article détaille, à la fois pour les néophytes et les professionnels du droit, les obligations générales et complémentaires du bailleur ainsi que la garantie offerte au locataire en cas de défauts affectant le bien.
I. Les Obligations Générales du Bailleur
L’article 256 al. 1 CO énonce trois obligations fondamentales qui incombent au bailleur dès la conclusion du contrat de bail :
- Délivrer la chose à la date convenue
Le bailleur doit céder au locataire l’usage du bien à la date fixée par les parties, date qui marque généralement le début du bail. Si cette obligation n’est pas exécutée à la date convenue, le bailleur se trouve en demeure simple selon l’art. 102 al. 2 CO. Dans ce cas, le locataire peut alors invoquer les articles 107 à 109 CO relatifs à l’inexécution du contrat et, une fois le délai de grâce expiré, opter pour l’une des solutions suivantes :- Demander l’exécution du contrat accompagnée de dommages-intérêts ;
- Maintenir le contrat tout en renonçant à l’exécution et en réclamant des dommages-intérêts positifs ;
- Résoudre le contrat et faire valoir des dommages-intérêts négatifs.
- Délivrer la chose dans un état approprié
Le bailleur doit mettre le bien à la disposition du locataire dans un état conforme à l’usage prévu par le contrat (256 al. 1 CO). Cet état est défini en fonction de la destination du bien et des termes contractuels. Si le bien ne présente pas les qualités promises par le bailleur ou celles que le locataire pouvait légitimement attendre, il est alors considéré comme défectueux. - Entretenir la chose louée
Étant donné que le bail est un contrat de durée, le bailleur a l’obligation d’entretenir le bien pendant toute la durée du contrat (256 al. 1 in fine CO). Il doit prendre en charge les réparations nécessaires, à l’exception des travaux mineurs de nettoyage et de réparations qui incombent au locataire (259 CO). Cette obligation couvre tant les défauts originels que les défauts moyens et graves. Dans certains cas, si les réparations apportent une plus-value au bien, le bailleur pourra, dans une certaine mesure, répercuter ces coûts sur le loyer.
II. Les Autres Obligations du Bailleur
Outre les obligations générales, le bailleur est tenu de respecter deux autres devoirs essentiels :
- Obligation de renseigner
L’article 256a CO impose au bailleur une double obligation d’information :- Il doit établir un procès-verbal de sortie du bail précédent (état des lieux), permettant au locataire de constater d’éventuels défauts et d’en exiger la réparation, et ce document servira de moyen de preuve pour établir l’existence de défauts originels ou intervenus pendant le bail.
- Le bailleur est également tenu de communiquer le montant du loyer pratiqué auprès du précédent locataire, facilitant ainsi l’exercice d’une action en contestation du loyer initial.
- Paiement des contributions publiques et charges
Conformément à l’article 256b CO, le bailleur doit s’acquitter des contributions publiques et des charges afférentes à la propriété du bien loué. Ces charges se distinguent des frais liés à l’usage du bien, qui restent à la charge du locataire (cf. 257a al. 1 CO a contrario).
III. La Garantie pour les Défauts
La garantie pour les défauts vise à protéger le locataire en cas de non-conformité du bien à l’état convenu. Elle se décline en plusieurs volets :
1. Notion et Types de Défauts
Selon l’art. 256 al. 1 CO, un défaut existe lorsque le bien n’est pas délivré dans un état approprié ou n’est pas entretenu durant toute la durée du bail. Autrement dit, le bien est défectueux s’il ne possède pas les qualités promises par le bailleur ou attendues par le locataire, et si ce défaut exclut, entrave ou restreint considérablement l’usage prévu (258 al. 1 CO).
La détermination du défaut se fait par comparaison entre l’état réel du bien et l’état convenu dans le contrat. L’interprétation du contrat, afin de dégager la volonté commune des parties (cf. 18 al. 1 CO ou la théorie de la confiance), est alors nécessaire. Le locataire qui souhaite invoquer la garantie doit prouver l’existence du défaut et ne pas avoir renoncé à cet exercice (8 CC).
Les défauts peuvent être classés de la manière suivante :
- Grave (258 al. 1 CO)
Le défaut grave exclut ou entrave l’usage du bien. Sa gravité dépend de l’importance des intérêts menacés du locataire, des frais de remise en état et de la durée de l’atteinte (exemple : un chauffage défaillant). - Moyen (258 al. 3 CO)
Ce type de défaut restreint l’usage sans pour autant l’exclure ou l’entraver totalement (exemple : une panne de réfrigérateur ou de four). - Menu (259 CO)
Les menus défauts, réparables par de simples travaux de nettoyage ou de réparation (exemple : le changement d’une ampoule ou le débouchage d’un siphon), sont généralement limités à des frais de réparation ne dépassant pas 150 CHF. - Originel
Il s’agit d’un défaut existant dès la délivrance du bien, lequel incombe dès lors au bailleur, quelle que soit sa gravité (exemple : un appartement non nettoyé à l’arrivée du nouveau locataire). - Subséquent
Ce défaut survient après la délivrance et n’est pas imputable au locataire. Le bailleur reste alors responsable selon les articles 259 ss CO. - Matériel ou immatériel
La qualification de matériel concerne un défaut de nature physique (exemple : absence de chauffage, détérioration imputable au concierge), tandis que l’immatériel relève d’un défaut de nature juridique, économique ou idéale.
En cas de non-délivrance ou de défaut originel grave, le locataire peut soit résoudre le contrat conformément aux articles 107-109 CO (258 al. 1 CO), soit, en acceptant le bien, exiger une exécution parfaite en se prévalant des dispositions relatives aux défauts subséquents (259a-259i CO).
2. Avis des Défauts
Selon l’article 257g al. 1 CO, il incombe au locataire de notifier au bailleur les défauts dont il n’a pas la charge de remédier lui-même (notamment en cas de défaut grave ou moyen intervenant en cours de bail). Bien que la garantie pour les défauts ne soit pas subordonnée à un avis spécifique, l’omission de signaler un défaut engage la responsabilité du locataire quant au préjudice qui pourrait en résulter (257g al. 2 CO). Notons que cet avis n’est soumis à aucune forme particulière (cf. 259 al. 1 CO et la consignation de loyer).
3. Les Effets de la Garantie pour les Défauts
L’article 259a al. 1 CO dresse la liste des droits dont dispose le locataire en cas de défaut affectant le bien :
- Droit à la remise en état de la chose
Le locataire peut exiger des travaux de réparation (259b et 259c CO). Ce droit s’exerce lorsque le bailleur, ayant connaissance du défaut, n’y remédie pas dans un délai raisonnable. En cas de défaut grave, le locataire peut résilier le contrat immédiatement, ou, en cas de défaut de moyenne importance, procéder aux réparations aux frais du bailleur. L’exception prévue à l’article 259c CO permet au bailleur de choisir entre la réparation et le remplacement du bien. - Droit à une réduction proportionnelle du loyer
Ce droit s’applique lorsque le bien présente un défaut grave ou moyen (voire un défaut mineur ayant des effets prolongés) qui n’est pas imputable au locataire (259d CO). La réduction naît dès que le bailleur est informé du défaut et prend fin dès son élimination. Le locataire peut même bénéficier d’une réduction rétroactive si le défaut était connu du bailleur avant que la demande ne soit formulée. Toutefois, cette mesure présente des risques, notamment en cas de mise en demeure pour non-paiement (257d CO) et d’une résiliation anticipée du bail (257d al. 2 CO). La réduction est calculée en comparant la valeur du bien affecté par le défaut à sa valeur objective sans défaut. - Droit à des dommages-intérêts
En cas de préjudice subi en raison d’un défaut, le locataire peut réclamer une indemnisation pécuniaire (259e CO) selon les règles générales de la responsabilité pour inexécution ou exécution imparfaite (articles 97 et 101 CO). La faute du bailleur est présumée, et il lui revient de prouver qu’il n’a pas commis de faute. La prescription de cette action est de 10 ans. - Droit à la prise en charge du procès contre un tiers
Si un tiers fait valoir un droit incompatible avec celui du locataire sur le bien loué, le locataire peut exiger que le bailleur prenne en charge le procès (259f CO). Pour que ce droit s’applique, il faut que :- Le tiers revendique son droit pendant le procès,
- Le droit soit antérieur à la conclusion du contrat,
- Ce droit soit incompatible avec celui du locataire,
- Le tiers invoque son droit après la délivrance du bien.
Si le bailleur refuse de participer, l’issue défavorable sera imputable à ce dernier.
- Droit à la consignation du loyer
Pour éviter d’être mis en demeure ou de voir son bail résilié en cas de réduction unilatérale du loyer, le locataire peut recourir à la consignation du loyer (259g CO). Concrètement, le locataire verse le loyer à un office de consignation (par exemple, une banque cantonale) plutôt qu’au bailleur. Cette procédure, protégée par une fiction de paiement (259g al. 2 CO), permet :- De mettre la pression sur le bailleur pour qu’il répare le défaut,
- De garantir que les loyers consignés soient réputés payés, évitant ainsi toute mise en demeure,
- De déclencher une procédure rapide de résolution du litige (259h-i CO).
Les conditions pour exercer ce droit sont les suivantes :
- Le bien doit être affecté d’un défaut grave ou moyen que le bailleur doit éliminer.
- Le défaut doit être objectivement éliminable.
- On peut raisonnablement attendre du bailleur qu’il intervienne pour y remédier.
La procédure commence par une notification écrite fixant un délai raisonnable pour la réparation. En cas d’inexécution, le locataire peut consigner les loyers à échoir. Il est à noter que, selon l’art. 259h al. 1 CO, si le locataire n’exerce pas ses droits auprès de l’autorité de conciliation dans les 30 jours, les loyers consignés deviennent acquis au bailleur.
Conclusion
Les obligations du bailleur, telles qu’énoncées dans le Code des Obligations, constituent un pilier essentiel de la relation locative. Du devoir de délivrer le bien en temps voulu et dans un état conforme, à l’obligation de maintenir ce dernier pendant toute la durée du contrat, sans oublier les devoirs d’information et de paiement des charges, ces engagements garantissent une protection équilibrée entre les parties. Par ailleurs, la garantie pour les défauts offre au locataire plusieurs voies de recours, qu’il s’agisse de demander une remise en état, une réduction proportionnelle du loyer, des dommages-intérêts, voire la prise en charge d’un procès contre un tiers, tout en pouvant recourir à la consignation du loyer pour sécuriser sa position.
Cette analyse invite à réfléchir sur l’équilibre entre la liberté contractuelle et la protection des droits du locataire, dans un contexte où la clarté des obligations du bailleur est cruciale pour assurer une relation locative saine et équitable.